C’est quoi un bookmaker ?
Publié par djdrogba le 2 février 2024
Vous les connaissez surtout depuis la création de l’ARJEL en 2010. Les bookmakers étaient pourtant là bien avant le projet de régulation des jeux d’argent en ligne. Pour comprendre ce qu’est un bookmaker, je vous propose de faire un plongeon dans le passé.
De la Grèce antique aux combats de gladiateurs en passant par l’émergence des bookmakers anglais à la fin du 19e siècle et la régulation du marché des paris sportifs, découvrez le fabuleux monde des “bookies”.
Les jeux d’argent dans l’histoire
Ils font partie de la grande famille du jeu. Les paris sportifs sont des jeux comme les autres et existent probablement depuis que l’argent existe.
Si des historiens rapportent que les Grecs aimaient parier sur les combats de coq, l’histoire retient surtout l’amour des romains pour les paris sur les combats de gladiateurs. Dès l’arrivée des combats de Gladiateurs sous l’empereur Vespasien, les Romains ont voué un culte aux jeux d’argent et priaient même la déesse Fortuna pour avoir de la chance aux paris. Des paris très prisés car non-taxés par Rome contrairement à la plupart des revenus de l’époque.
Bien que interdits, les paris sur les combats de gladiateurs étaient adoré à toutes les échelles de la société, y compris par les empereurs eux-même. On raconte que l’Empereur Auguste aurait perdu 30 000 sesterces lors d’un combat au Colisée.
Les parieurs avaient même le droit à un programme détaillé sur les combats, le « Munerarius libellus », un programme qui comprenait les caractéristiques des combats, leurs historiques de victoires et de défaites, s’ils étaient droitier ou gaucher. Des turfistes avant l’heure !
“Bookmaker” : définition et étymologie
Que veut dire bookmaker et d’où vient ce mot ? Ce mot anglais trouverait son origine au milieu du 19ème siècle dans les courses hippiques. Un essai d’un vétérinaire français, Jean Déhès, rapporte une définition des différents termes utilisés dans les paris hippiques :
Les paris se font dans le salon des courses que l’on appelle Betting-Room. Ce salon possède ses clients particuliers dont l’admission est soumise à un règlement. Dans le Betting-Room on fait le cours des paris sur les chevaux qui doivent courir…Les individus qui spéculent sur les courses sont appelés Bookmakers, et les paris sont inscrits sur un livre officiel que l’on appelle Betting-Book. On dit que l’on a un excellent Book lorsqu’on a combiné ses paris de manière à avoir plus de chances de gain que de perte. Ces paris officiels sont soumis au règlement du Jockey-Club.
(Source : Wikitionnaire)
Par extension, nous pouvons donner la traduction suivante : » le bookmaker est une personne dont le métier est de prendre des paris à cote fixe pour une course de cheval et qui les rapporte dans un livre ».
Harry Ogden : le premier bookmaker de l’histoire
D’après de nombreux médias anglais, le tout premier bookmaker à avoir pignon sur rue s’appelait Harry Ogden. Ce bookie du Lancashire qui sévissait sur l’hippodrome de Newmarket Heath dans les années 1790 aurait surtout été le premier à proposer des cotes différentes pour chaque cheval. En étudiant le profil et la forme de chaque cheval, il fixait des côtes censées représenter la probabilité de succès de chaque cheval de course.
Les uns pouvaient alors la jouer “safe” en pariant sur les favoris et les autres en tentant des coups sur les outsiders pour rafler la mise.
En France, il faudra attendre 1891 pour assister à la naissance du premier bookmaker légal et officiel. A cette époque, les paris à cotes fixes proposées par les bookies à la sauvette sont interdits et un brillant émigré espagnol du nom de Joseph Oller à l’idée du siècle : mutualiser les sommes jouées pour faire en sorte que les parieurs jouent les uns contre les autres. Plus de cotes arbitraires. L’organisateur des paris se rémunère uniquement grâce à une marge fixée par avance. Il invente alors le Pari Mutuel Urbain ou PMU !
Les premiers bookmakers anglais
Ils s’appellent Ladbrokes et William Hill. Ce sont les plus vieux bookmakers d’Angleterre. Des sociétés toujours présentes de nos jours et qui pèsent des milliards.
Longtemps strictement interdits au Royaume-Uni, les paris hippiques (seulement) sont autorisés par le parlement anglais au travers du Gaming Act de 1845. Bien que cette activité fût strictement encadrée, les paris illégaux fleurissent un peu partout. A l’instar des Peaky Blinders, de nombreux bookies illégaux ont pignon sur rue comme Bella Thomasson et bénéficient des faveurs des autorités locales.
Ladbrokes sera la première grande entreprise dédiée aux jeux d’argent. Fondée en 1886 par deux agents de course, elle comprenait en 2016 plus de 16.000 employés à travers le monde.
Le bookmaker William Hill, du nom de son fondateur, arrive trente ans plus tard avec la création de la première agence de paris hippiques installée à Londres en 1934. Vingt ans plus tard, William Hill devient le premier groupe spécialisé dans les paris sportifs a être coté en bourse.
Les années 2000 : la bulle Internet et les sites de paris en ligne
Depuis la fin des années 2000, de nouveaux types de bookmakers prospèrent aux quatre coins du monde : les sites de paris sportifs en ligne. Contrairement aux opérateurs anglais qui disposent d’un réseau physique de boutiques, ces derniers sont 100% en ligne.
Grâce aux premières licences délivrées par des Etats comme Antigua et les Barbades, les premiers sites de paris en ligne ont vu le jour dans les années 1990. Deux géants des paris sur Internet naissent la même en année en 1997 : BetandWin (Bwin) et Unibet.
A l’image de Bwin, leur ascension est fulgurante. Comment ne pas être tenté par les plus de 8000 paris par jour proposés sur une quarantaine de disciplines sportives. Avec le football en tête certes, mais aussi les paris sur le tennis, le basket-ball, le ski, les fléchettes, le water-polo et le tout, 24 heures sur 24 ?
En 2006, près de 3.3. millions d’Européens ont déjà craqué pour les paris sportifs en ligne, une majorité provenant du Royaume-Uni. Bwin pèse alors 2 milliards d’Euros de chiffres d’affaire et commence à s’afficher un peu partout sur les maillots des joueurs de football.
Bref, la folie des bookmakers en ligne s’est emparée de l’Europe, et l’Union Européenne ne voit pas cela d’un mauvais œil !
2010 : création de l’ARJEL
Le succès de tous ces bookmakers est une réelle menace pour les monopoles nationaux sur les paris sportifs et hippiques dont disposent le PMU et la Française des Jeux.
Après une décennie de flou juridique pendant laquelle la France a tout tenté pour faire interdire l’activité des bookmakers étrangers sur son sol, elle doit se résigner à ouvrir son marché. Une jurisprudence de la Cour européenne de justice intervient en faveur des opérateurs de paris jugeant que tous les acteurs de paris sportifs, publics et privées, nationaux ou étrangers devaient bénéficier du même cadre juridique.
Aussi, un an avant la Coupe du Monde 2010, Eric Woerth alors Ministre du Budget présente son projet de loi d’ouverture maîtrisée du marché des paris sportifs en ligne. Un projet qui amènera notamment la création de l’Autorité de Régulation des Jeux en Ligne (ARJEL), une autorité administrative indépendante.
Au rang de ses principales missions figurent la protection des mineurs, la lutte contre les sites illégaux et l’addiction aux jeux d’argent et la délivrance d’agréments permettant aux opérateurs de jeux d’exercer en toute légalité. Les bookmakers ARJEL étaient nés !
En juin 2020, l’ARJEL est devenu l’ANJ pour : Autorité Nationale des Jeux. Hormis les casinos, l’ANJ contrôle et régule l’ensemble des jeux d’argent en France : courses hippiques (PMU), jeux de grattage, loteries, paris sportifs, poker.